mardi 9 août 2016

L'heure du thé -3


Ils te font envie, les macarons de l'image ? Eh bien je viens d'en faire une bonne fournée. Installe-toi, ta tasse de thé t'attend. Tu es de plus en plus réticent à venir à ma table, je me demande bien pourquoi. L'idée de me laisser ce petit espace virtuel de contrôle te répugnerait-elle ?

Aujourd'hui nous allons un peu nous attarder sur une autre de tes déplaisantes ritournelles. Je l'avais déjà un peu évoquée, mais pour avoir causé avec pas mal de monde (fort étonnamment en général de sexe masculin) j'ai vraiment l'impression qu'il est utile de développer en quoi ce que tu exprimes est gênant, voire dangereux.


« J'ai tout fait pour elle/je suis un gars bien, elle me doit bien une contrepartie ! Je vais arrêter d'être gentil pour la peine !»

Je ne sais pas comment t'annoncer ça avec tact, mais la vie ne marche pas exactement comme une lettre à la mère noël. C'est décevant, j'en conviens. Ce n'est pas parce que tu es bien sage pendant l'année que tu vas obtenir du sexe ou des sentiments amoureux en échange à la fin. Être gentil et poli, rendre service ou offrir le restaurant à quelqu'un ne t'ouvre aucun droit sinon celui au respect. Tu me concéderas que le respect n'implique pas de céder à tes avances, dis ?

Sois serviable et aimable si tes valeurs t'y poussent. Sois désagréable si tu as un caractère de cochon. Mais s'il est effectivement plus probable que tu séduises quelqu'un en ayant un comportement positif, malheureusement, ça n'a rien d'une équation mathématique. Tu n'as pas forcément envie de coucher avec tous ceux que tu apprécies, si ? Et ce, même si eux manifestent de l'intérêt pour toi ? Pourquoi en irait-il différemment de la personne sur qui tu as des vues ?

Ce qui me fait peur dans ton raisonnement, c'est tout ce qu'il implique : que tu es une personne agréable uniquement par intérêt égoïste et non parce que tu estimes que c'est une attitude normale et saine pour tout le monde. Au fond, si je pousse à peine un cran plus loin, ça veut juste dire que tu n'es gentil que pour obtenir ce que tu souhaites de la manière la moins compliquée possible. Tu essaies la méthode légale avant de forcer les choses en somme ?

Si je te suis, si tu n'espères plus une récompense pour ta bonne conduite, qui deviendras-tu ? Si tu n'as pas ton susucre quand tu fais le beau, tu mords ? A partir de quel degré de reconnaissance à tes bonnes œuvres renonces-tu à devenir méchant ? A partir de quel stade de frustration ai-je à craindre de toi ? Serais-tu une bête à peine dressée et conditionnée à réagir à certains stimuli ? Je préfère croire que tu es un être pensant et raisonnable, capable de discerner tes envies et besoins de ceux de tes congénères. Est-ce te faire trop d'honneur ?

Autre chose me turlupine dans tout ça. Si c'est par gratitude qu'une personne accepte une partie de jambes en l'air, est-ce vraiment un acte entre deux personnes sur un pied d'égalité ou juste l'un qui paie sa dette à l'autre ? On peut estimer que c'est une manière de te remercier et dans ce cas, libre à la personne d'agir comme elle le sent, mais un remerciement ne s'exige pas. A l'autre d'évaluer la forme et le degré de reconnaissance qu'elle te doit.
Tu te doutes bien que ce souci se pose d'autant plus fortement avec des sentiments amoureux liés aux mêmes facteurs.

Maintenant, si on inversait un peu les choses ? Si je comprends bien, pour toi amour et/ou sexe ne sont en quelque sorte que des objets de transaction. Donc n'importe qui peut aussi bien les attendre de toi pour peu qu'il se montre charmant en ta compagnie... Je serais fort curieuse de voir ta tête quand ton ami d'enfance Jean-Jacques te regardera un beau jour, les yeux remplis d'espoir, estimant qu'il t'a assez donné pour que tu lui offres ton cœur ou ton corps. Et Isabelle, cette autre amie qui t'a souvent entendu te plaindre de tes infortunes diverses, a-t-elle un quota à remplir avant d'exiger que tu te mettes à poil ? Ni l'un ni l'autre ne t'attirent, mais ça ne devrait pas te poser souci, selon tes principes, si ?

J'ai un peu l'impression que comme souvent, tu songes pas mal aux droits qui te sont ouverts, mais peu aux devoirs qu'ils impliquent en échange. J'aimerais, puisqu'on est sur ce terrain, te rappeler deux ou trois trucs en passant :

D'abord, si tu perçois les interactions humaines comme des relations plus ou moins contractuelles, je te signale que tu ne peux exiger de quelqu'un qu'il respecte un accord dont il n'a guère de moyens de connaître les tenants et aboutissants, puisque tu es celui qui les détermine unilatéralement. Si tu espères qu'un sourire à ta boulangère entraîne l'acquisition d'une baguette de pain, tu risques une déception : rien ne peut la porter à penser que ta bonne mine est un paiement suffisant pour ses miches. Ahem... passons.

Considérons un instant ton hypothèse, à savoir que les termes de l'échange « gentillesse-sexe » sont au moins intuitivement déduites par l'autre. Crois bien que ça m'écorche sacrément la plume et les neurones, mais il me semble une fois de plus utile de démontrer qu'en allant dans ton sens, ça ne marche pas vraiment non plus.

Ok, Truc ou Machin ne respecte pas sa part de l'engagement et c'est regrettable. Mais ça ne t'ouvre pas un laissez-passer pour le lui faire « regretter » au-delà d'une cessation des échanges entre vous. Je sais que je vais encore t'attrister, mais le recours pour non exécution d'une prestation sexuelle va être un peu dur à faire admettre en justice. Et tu n'as pas le droit de lui faire encourir des dommages en retour, sous peine de commettre à ton tour un acte illégal. Et il serait absurde d'étendre ton mécontentement au reste de la population qui t'attire : deux ou trois mauvaises expériences, voire même une dizaine, ne font pas une généralité ! A la limite, la seule leçon à en tirer c'est que ton postulat de base tient assez peu debout, si tu ne croises pas de gens prêts à le suivre ?

Tu sembles las, mon grand, écrasé par le poids de mon incompréhension de tes souffrances. Mais tout ce que tu subis, désillusions amoureuses ou sexuelles, tu te l'infliges en grande partie tout seul, parce que tu te centres tellement sur tes ressentis que tu t'empêches d'éprouver de l'empathie réelle envers les autres. Faire des actes positifs est une bonne chose : les faire par réelle affection ou parce que tu suis « ce que te dicte ton coeur », comme le dirait la littérature conséquente sur ce thème, ça me semble plus sain et fructueux. Ca place tout le monde sur un pied d'égalité.

Allez, sèche tes larmes et reprends un macaron, il reste plein de thé pour le faire passer...


Cette troisième heure du thé a bien tardé à sortir. Je ne m'en excuserai pas et me contenterai de vous dire que j'espère que le rythme de publication sera plus stable au fur et à mesure.Si tout se passe bien, d'ici un à deux jours, quelques articles viendront rééquilibrer le silence de ces derniers temps.

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